Tout objet doit être fini pour fonctionner ou pour servir. Plus il est fini, plus il est parfait, mieux il fonctionne et plus il est beau. Un objet plus perfectionné détrône l’autre qui l’était moins.
Aucune sculpture ne détrône jamais aucune autre. Une sculpture n’est pas un objet, elle est une interrogation, une question, une réponse. Elle ne peut être ni finie ni parfaite. La question ne se pose même pas. Pour Michel-Ange, avec la Pietà Rondanini, sa dernière sculpture, tout recommence. Et pendant mille ans Michel-Ange aurait pu continuer à sculpter des Pietà sans se répéter, sans revenir en arrière, sans jamais rien finir, allant toujours plus loin. Rodin aussi.
Une voiture, une machine cassée devient de la ferraille. Une sculpture chaldéenne cassée en quatre : cela donne quatre sculptures, et chaque partie vaut le tout et le tout comme chaque partie reste toujours virulent et actuel.
Une sculpture égyptienne cassée, un Rembrandt tacheté, rayé, pâli, noirci, restent aussi belle sculpture, aussi belle peinture que le jour où elles étaient faites.
À l’encontre des objets qui ne se réclament que d’eux-mêmes, une sculpture, une peinture se réclame toujours d’autre chose d’elle-même.
Alberto Giacometti, « Pourquoi je suis sculpteur » à lire absolument… Créer, oser se dire, se raconter, se renouveler, nourrir tous le possibles, à l’infini…